Artiste
Plasticien
Designer
Le tableau, ce scalp de la beauté, ce paravent où
sèche le monde en flaques de couleurs et accolades
de signes, cet espace affolé, compromis par le rapt
du réel, un moment tenu à bout de pinceau.
Voici l’oeuvre de Jean-Pierre Petit, elle vous regarde. Elle vous dit un commencement,
un présent, chaque fois recommencé. Chaque tableau est différent et pourtant semblable
au précédent. Ses images nous racontent la possibilité d’une heureuse rencontre comme
un écho de l’enfance. Cette manière de montrer est celle qui raisonne avec le Paradis
ou, en tout cas, avec l’idée que l’on s’en fait.
Portée par cette joie en peinture, la mémoire est sollicitée. Les souvenirs anciens nous
font signe, ceux de certains jours enchantés selon le balisage du peintre. Ce chemin
se pratique selon son langage secret avec sa grammaire particulière, c’est un appel à le
suivre dans cette voie, en confiance, en dépit de sa forme abstraite à hauteur d’homme.
Chaque nouvelle oeuvre est l'ouverture d'une porte
qui laisse entrevoir l'équilibre du monde.
Mon désir d’humanité exprime d’abord une joie,
une espérance d’une humanité enfin décidée
à jouir des bienfaits d’un univers, d’un monde,
d’une nature qui ne nous veut pas que du mal.
Comment saisir cette beauté qui est là à nous
attendre dans les étoiles, les arbres,
dans le visible comme dans l’invisible ?
Presque des idéogrammes, mais pas tout à fait.
Peut-être des haïkus secrets.
Énoncé clandestin d’un codex non écrit, façon Borges.
Il y a cette hésitation du premier regard, celui qui reste.
Cet étonnement, confusion de cette peinture en écriture
muette qui trouble.
Le travail de Jean-Pierre Petit nous implique
forcément et nous demande d’apporter, en toute
liberté, une pierre à l’édifice.
Ces oeuvres érigent une architecture mentale,
psychologique, des espaces à investir de nos vies.
On ne regarde pas une toile de Jean-Pierre Petit,
on la visite, on s’y promène…
La troisième dimension est ressentie
dès lors qu’on s’y attarde.
De plus, les espaces sont mouvants
car, selon l’intensité du regard,
les couleurs primaires cernées de noir
construisent des reliefs aléatoires.
Parménide disait “On ne se baigne
jamais deux fois dans le même fleuve”.
Comme un fait exprès, le peintre
a une volonté de nous contrarier
dès qu’on s’installe dans une vision,
une habitude, une interprétation.
Alors la toile nous chahute et
nous emmène sur un autre chemin,
bouscule nos certitudes…
La condition humaine serpente, pour sûr, au coeur
de son oeuvre et l’éternel recommencement s’ouvre
enfin sur une issue, celle de notre pouvoir
d’imagination. Un perpétuel glissement de sens
nous incite à créer des passages, des portes.
L’impossibilité de toute conclusion nous offre
les portes de la liberté et nous libère du carcan
traditionnel d’un schéma narratif chronologique.
Car, si Jean-Pierre Petit construit une approche
novatrice de l’espace, il perturbe aussi notre
conception du temps. Il recherche une saisie globale
et paradoxalement il insiste sur les aspects
fragmentaires des émotions en entourant certaines
situations.
Ce graphisme peut surprendre.
En peinture comme à chaque fois, mais particulièrement dans
la manière de l’artiste, c’est ce silence majestueux, mutique,
qui nous fait signe comme l’annonce de quelque chose qui vient.
Blanchot dirait : « … qui fait passer le frisson des forces sacrées. »
Effet de surprise assuré, certains baissent les yeux, pas seulement
par ignorance, mais aussi peut-être aveuglés par ce silence
imposant qui leur parle.